Après Coca Cola et son opération « Share a coke » (votre prénom à la place du logo), M&M’s et ses messages personnalisés, Nutella se lance dans une opération participative de personnalisation de son produit. Au départ, une idée bien vue et plutôt bon enfant permettant aux consommateurs s’approprier la marque. Mais l’opération s’est vite transformée en cauchemar de communication pour le groupe Ferrero.Message personnel sur les pots Nutella
A l’origine, une opération sympathique de personnalisation « Dites-le avec Nutella ». La marque avait pourtant tout pour réussir ce type d’opération : une marque iconique suffisamment forte pour être détournée, une base de quelques 30 millions de fans sur Facebook permettant un relai plus qu’efficace sur les réseaux sociaux. Qu’est ce qui a mal tourné ?
Habitué à être sous les feux de la rampe pour des sujets polémiques, l’entreprise a anticipé un bad buzz en interdisant des mots-clés « touchy ». Or, c’est justement de l’interdit qu’est né le bad buzz.
Le fail technique
Ça nous démange. Quand ce type d’opérations voit le jour, on débute avec des mots doux et rapidement, on a envie de s’envoyer des piques voire de détourner la marque avec des blagues de plus ou moins bon goût.
Nutella a modéré en amont, une liste de mots bannis. Et le premier raté de l’opération est là : cette liste était accessible depuis le code source.
Certains internautes s’en sont d’abord amusés (la liste était drôle à lire) puis les trolls ont rapidement pris le contrôle.
Fais pas ci, fais pas ça
La marque a souhaité modérer les contenus pour ne pas se voir associée à des valeurs trop éloignées des siennes. L’idée de départ (modérer le contenu) n’est pas choquante mais elle induit 2 problèmes :
- L’interdit créé un effet loupe attirant l’attention précisément sur les sujets que Ferrero comptait éviter, c’est ce qu’on appelle l’effet Streisand, totalement pervers. Ainsi, la liste met en valeur les sujets de santé (« obésite », « diabète », « huile de palme ») et d’écologie (« orang outan », » massacre ») sur lesquelles le groupe est régulièrement attaqué. Ce bad buzz alimente ainsi la communication négative sur la marque.
- Le choix des mots bannis a été jugé discriminant : si les insultes à caractère homophobe ou la vulgarité est proscrite, pourquoi des termes comme « musulman » ou « juif » sont-ils bannis alors que « chrétien » ou « catholique » sont autorisés ? Il en va de même pour « lesbienne » alors qu’homosexuel est autorisé…
Les conseils de nos experts pour gérer une opération participative
En tant que spécialiste des opérations participatives, voici les conseils de nos experts pour gérer au mieux ce type de campagne.
D’un point de vue technique, on ne reviendra pas sur l’idée principale et basique de ne pas permettre l’accès au code source, simplement en effectuant la validation côté serveur.
Sur la modération, Aurélie Guillaume, responsable du développement web de Creads
« Le système de modération optimal aurait été de laisser tous les internautes déposer leurs textes et d’avoir en back office une publication automatique des messages sauf pour tous les messages postés contenant un mot de la liste « à surveiller » qui permettrait de limiter le coût de la modération humaine manuelle. Ainsi, le modérateur aurait pu se concentrer uniquement sur les contenus « problématiques » et valider ou non au cas par cas. »
Sur la « philosophie du web », Alexandra Marmoux, Responsable Communication de Creads
« Proposer aux internautes de personnaliser un packaging emblématique et disposant d’un fort affect est une idée très pertinente; d’autant plus que la mécanique déployée permettait de diffuser les visuels créés sur les réseaux sociaux mais aussi en physique via l’impression de son étiquette. Mais il fallait bien compter sur l’humour sans limites des internautes qui ne manquent pas de créativité. Les trolls ne sont pas rares dans ce genre d’opérations, nous en avions déjà parlé sur le blog. L’estime de soi nourrit les réseaux sociaux et entretient cette quête au post le plus drôle ou le plus acerbe. Il suffit d’avoir un élément déclencheur pour lancer une polémique. C’est pourquoi le participatif est efficient s’il est dans un cadre hautement maîtrisé par la marque laissant malgré tout une grande liberté aux participants. C’est cet équilibre qu’il faut réussir à trouver.
Nutella était sur la bonne voie en souhaitant garder la maîtrise de l’opération. Il est bien sûr indispensable de bannir certains mots pour préserver l’image de marque, par contre il aurait fallu le faire pour tous les mots d’une même catégorie pour éviter l’aspect « discriminant ».
La faille technique et l’imagination des twittos ont été plus fortes !