Qui sont ces startups venues déranger des acteurs de l’économie dite « traditionnelle » ? Et en quoi les dérangent-elles ? Le blog Creads vous livre un compte rendu complet de la table ronde du 8 avril qui a opposé BNP Paribas / Ulule, Havas / Creads et Chauffeur Privé / Alpha Taxis.
« Il y a crise quand l’ancien monde ne veut pas mourir et que le nouveau ne peut pas naître. » Antonio Gramsci
Franck Dedieu, animateur du débat et rédacteur en chef de l’Expansion, cite Antonio Gramsci en préambule « Il y a crise quand l’ancien monde ne veut pas mourir et que le nouveau ne peut pas naître. Ce qui est excitant actuellement, c’est notre position dans cet entre-deux historique, idéologique, économique ». Evidemment, selon les acteurs, les enjeux et les impacts sont différents et ces débats nous permettent de toucher du doigt ce qui matérialise un changement de paradigme.
Ainsi, selon Sylvain Bureau, responsable des cours sur l’économie collaborative à l’ESCP Europe et maître de conférences à Polytechnique, deux mondes s’opposent : les structures centralisées et les communautés. « Loin de l’organisation des modèles bureaucratiques, ces structures souples permettent de mobiliser des actifs en sommeil. »
« Nous nous positionnons comme un guide pour permettre aux porteurs de projets d’aller voir le bon comptoir au bon moment ». Ulule
Table ronde #1 : Banques et plateformes de crowdfunding sont des acteurs complémentaires
Les deux premiers intervenants à prendre la parole sont les directeurs associés de BNP-Paribas et d’Ulule. Ceux qui s’attendaient à un débat musclé entre ancienne et nouvelle économie auront assisté à l’inverse, à une surprenante entente et un travail de concert. Ces drôles d’oiseaux-là ont visiblement décidé de migrer en volant côte à côte vers le monde uberisé.
Mathieu Maire du Poset, directeur associé de Ulule, trentenaire vêtu façon startup avec un jean, des baskets et une barbe de trois jours est assis face à Xavier Chopard, directeur associé BNP-Paribas, le banquier sans cravate. Ulule est client de BNP-Paribas mais les deux structures sont surtout des partenaires habitués à travailler main dans la main.
Loin d’être effrayé par un modèle de financement participatif, le directeur associé de BNP martèle « Certes, le crowdfunding va vite mais la banque traditionnelle n’est pas morte ». Selon les deux acteurs, les plateformes permettent « d’aller plus loin que la collecte de cash » en travaillant sur leurs éléments de confiance.
Ulule n’accompagne pas les projets par des prêts, mais la startup est très efficace dans les autres modalités d’accompagnement : le soutien en échange d’une contrepartie non financière, le test du projet grandeur nature, et la possibilité de créer et de faire vivre une communauté. « D’ailleurs, aller chercher des fonds dès qu’on a une idée n’est pas toujours la bonne étape » souligne Mathieu Maire du Poset. « Nous nous positionnons comme un guide pour permettre aux porteurs de projets d’aller voir le bon comptoir au bon moment. »
« Nous sommes parfois déçus par les projets proposés, dans leur capacité à offrir quelque chose de nouveau, à être disruptifs ». BNP-Paribas
Les plateformes mettent le pied à l’étrier à des projets risqués
Au-delà de cette approche différente, les banques 100 % centrées sur le financement et les plateformes avec une dimension de « coach », il semble que l’autre différence entre ancienne et nouvelle économie soit la variété de domaines d’action des plateformes ainsi que leur capacité à prendre des risques. Aujourd’hui, elles permettent de financer des projets créatifs, qu’aucune banque ne viendrait financer mais aussi d’apporter un premier soutien à un projet risqué (qui sera parfois, par la suite financé par un acteur traditionnel).
Sur le risque, BNP en redemande pourtant « nous sommes parfois déçus par les projets proposés, dans leur capacité à offrir quelque chose de nouveau, à être disruptifs ».
Aujourd’hui, avec 8 000 projets financés et 600 000 participations depuis sa création il y a 4 ans, Ulule collecte en moyenne 4 000 euros par projet, le record battu étant de 700 000 euros.
Etonnamment, Mathieu Maire du Poset ne revendique pas ce côté « bon enfant » (pour ne pas dire philanthrope) du participatif. « Opposer les deux vision n’a pas de sens. Les deux leviers sont vraiment complémentaires. »
Lorsqu’on les interroge sur le risque que peut induire le financement par des plateformes, les deux intervenants s’accordent pour dire que le sujet est évidemment majeur. « C’est en fait de la confiance dont il s’agit. Sur Ulule, il n’y a pas de ROI attendu, le risque est très limité. » Est-ce ce qui explique son succès ? Avec 65 % de taux de succès contre 35 % pour son concurrent américain Kickstarter.
« Le crowdfunding de prêt est un eldorado pour beaucoup d’intervenants mais il va y avoir des déçus. » En effet, aujourd’hui, les intervenants fleurissent aux Etats Unis mais ils réalisent en réalité surtout un gros chiffre dans le prêt à la consommation, le rachat de crédit et non le financement de projet.
Les acteurs traditionnels et les plateformes de financement semblent avoir trouvé un équilibre pour collaborer, pour ce qui concerne Ulule et BNP-Paribas en tout cas. Au développement d’un projet, la plateforme sera un bon accompagnant pour le lancer, le développer, le faire connaître et récolter un premier budget de départ puis la banque traditionnelle pourra venir miser « plus gros » surtout s’il est innovant ou « disruptif ».
Qu’en pense les acteurs de la communication Havas et Creads ? Il y a fort à parier que le débat soit plus houleux entre Alpha Taxis et Chauffeur-Privé. Nous vous livrerons la suite dans un article de blog à paraître demain ! Alors restez connectés sur le blog !