« Picasso n’a rien créé et n’a inspiré personne« . C’est à cette allégation que souhaite répondre l’exposition du Grand Palais, intitulée pour la peine Picasso.Mania. Un parti pris qui en dit long sur le choix des œuvres présentées du 7 octobre 2015 au 29 février 2016 par Didier Ottinger, commissaire général et directeur adjoint du Musée national d’Art moderne.
Dès l’entrée, nous sommes accueillis par un grand portrait du maître lui-même, torse-nu, avec le regard fixe. Car tout au long de notre visite, c’est une véritable mise à nu du travail du maestro espagnol qui est proposée, à travers ses œuvres, mais surtout celles des artistes contemporains.
Creads vous propose de revenir sur 3 points marquants de cette exposition mêlant imagination et réalité.
1. Picasso, le père fondateur du cubisme
Picasso.Mania nous invite tout naturellement à plonger dans l’univers fascinant du Cubisme à travers ses 3 courants, mais surtout à travers des œuvres contemporaines parfois déroutantes. Considéré par les experts comme le mouvement le plus décisif de l’histoire de l’art moderne, le Cubisme remet en cause la notion représentation dans l’art et vient perturber la perspective de la Renaissance pour la réinterpréter, la décomposer et montrer de la 3D avec de la 2D.
Du Cubisme Cézannien (1908-1910) qui simplifie les formes naturelles en formes géométriques, au Cubisme Analytique (1910-1912) qui a la volonté de perturber en fragmentant et en décomposant les toiles pour offrir plusieurs points de vues sur une même scène, en passant par le Cubisme Synthétique qui voit apparaître des assemblages de matières et des collages sur les tableaux ; le Cubisme remet en question l’art pour intégrer des objets du quotidien.
A travers l’ensemble des œuvres présentées en touche-touche, on comprend aisément que Picasso souhaitait nous faire voir la réalité.
Le travail de David Hockney est également présenté. Fasciné par Picasso, il va lui aussi vouloir montrer la réalité et travaille sur une relecture du cubisme. Pour lui, Picasso pouvait « maîtriser tous les styles, toutes les techniques…« . Ce qui l’incite à utiliser la photographie comme une nouvelle manière de peindre. Il utilise la technique de l’assemblage pour mettre en lumière différents points de vue sur un objet et le décomposer.
2. L’inspiration de l’Art Africain et de l’érotisme dans l’oeuvre de Picasso
Picasso était un travailleur acharné qui nous a laissé de nombreux tableaux. Il préférait ainsi créer 100 œuvres en 1 an qu’1 seule oeuvre en 100 jours. Né à Malaga, il a pourtant passé la majorité de sa vie en France. L’un de ses ateliers les plus connus est celui du Bateau Lavoir à Montmartre, dans lequel il a peint les fameuses Demoiselles d’Avignon. Ce tableau lui valu 9 mois de travail.
Braque, l’autre fondateur du Cubisme, dira en voyant ce tableau « c’est comme si on m’avait mis de l’alcool dans la bouche pour cracher du feu« . Cette oeuvre, inspirée de l’art africain, est en décalage avec l’époque. C’est une scène de maison close, dans laquelle les personnages masculins disparaissent au fur et à mesure que Picasso peint la toile. Il propose une nudité crue et brutale.
Cette oeuvre majeure a été copiée et reproduite par de nombreux artistes. D’ailleurs, ce n’est pas la toile originale qui est présentée dans l’exposition, mais deux copies des Demoiselles d’Avignon peintes par Mike Bidlo. On parle alors d’appropriationnisme, cette technique qui vise à puiser dans les œuvres des maîtres anciens pour se les approprier.
L’une des interprétations des Demoiselles d’Avignon proposée aux visiteurs est celle des Demoiselles d’Alabama de Colescott. Dans cette reprise, les prostituées noires se sont jointes aux blanches. L’artiste s’explique : « Picasso partait de modèles vivants qu’il rendait abstrait selon sa propre interprétation, selon la géométrie de l’art africain. Je me suis dit que j’allais renverser ce principe et exprimer la réalité des femmes voluptueuses qu’il a peinte. J’espérais pouvoir posséder ses images, en prendre le contrôle, les transformer.«
3. Picasso et le Bad Painting
Après 1 heure de visite, l’exposition se termine par un focus sur le Bad Painting, un art négligé et libéré, né aux Etats-Unis dans les années 70 en réaction à l’art intellectuel de l’époque. Un art qui n’est pas sans rappeler l’érotisme des Demoiselles d’Avignon.
Il faut aussi savoir que dans les années 70, Picasso est au faite de sa gloire. Ses dernières œuvres sont moins connues car elles ont été volontairement oubliées par la critique de l’époque. Empreints de vulgarité et d’insolence, ses tableaux sont très bruts, spontanés et grossiers. Picasso sait qu’il ne lui reste plus beaucoup de temps et pourtant il a encore beaucoup de choses à dire et à partager avec le public.
Car il ne faut pas oublier que le maître est aussi un artiste engagé, à l’image de sa toile Guernica (non présentée lors de l’exposition) qui dénonce l’horreur de la guerre d’Espagne et symbolise la liberté. Tout au long de sa vie artistique Picasso a donc peint des toiles qui lui ressemblent et qui expriment des idées fortes malgré le style enfantin de ses tracés. D’ailleurs, à travers les nombreux portraits qu’il a pu peindre, ce sont en fait des auto-portraits de l’artiste, dont les expressions des personnages varient en fonction de son humeur.
Les artistes des années 80 se sont donc inspirés de cet art brutal, délibérément bâclé et médiocre, d’exécution rapide. La dernière pièce de l’exposition Picasso.Mania est ainsi consacrée au Bad Painting avec les œuvres de George Condo.
Pour visiter l’exposition Picasso.Mania :